Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/336

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Son front paroît orné d’un grand bonnet d’hermine
Dont l’extrême blancheur sert à sa bonne mine ;
Un plumet de héron, d’un noir âprement noir,
Augmente encore le blanc que l’hermine fait voir.
Elle a de peau de tigre une robe volante
Qui, bien que fort sauvage, est pourtant fort galante ;
L’agrafe la retrousse et fait qu’on voit au jour
Ses brodequins doublés de la peau d’un vautour ;
Son carquois est fait d’herbe, et son arc de baleine ;
Une écharpe de jonc jusqu’à terre lui traîne,
Qui suspend son épée et qui mêle un beau vert
À ce blanc moucheté dont son corps est couvert.
La blancheur de ses bras, à l’hermine opposée,
Y trouve un nouveau lustre et l’en rend plus prisée,
Et celle de son teint, malgré son incarnat,
Pourroit noircir un cygne auprès de son éclat.
Tous ses traits sont fort beaux, et sa taille est fort belle ;
Elle marche d’un pas digne d’une immortelle,
Et l’on voit dans son air superbe, comme il est,
Je ne sais quoi de fier qui fait craindre et qui plaît.


Ce costume est charmant, et serait le plus galant du monde pour une entrée de ballet. Cela est bien dans la tournure demi-antique, demi-romanesque du temps. Rien ne va mieux avec les palissades de buis et les tritons frisés des bassins. — Voici un dessin de fontaine :


Au milieu de la cour, une rare fontaine
Élance le crystal dont elle est toujours pleine,
Et ces jets élancés retombent en bruyant
Sur l’albâtre mouillé que leur eau va noyant ;
De cent monstres marins la bizarre figure
Sur ce corps transparent a placé la sculpture
Et ce large bassin, en vase découvert,
Pose sur un pilier de jaspe rouge et vert.
Au milieu du bassin est une Néréide
Qui tâche d’essuyer son poil toujours humide,
Et qui, semblant presser ce poil et long et beau,