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Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/375

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imaginations de tous genres ; mais nous avouons ne rien comprendre à la parodie, au travestissement. Le Virgile travesti, un des principaux ouvrages de Scarron et celui qui a fondé sa réputation, est à coup sûr un de ceux qui nous plaisent le moins, bien qu’il soit semé de mots plaisants et de vers très-drôlement tournés. Après tout, qu’est-ce que cela signifie ? Mettre à la place d’un héros une épaisse figure bourgeoise, à la place d’une belle princesse une grosse maritorne, et les faire parler en style des halles, n’a rien en soi-même de fort récréatif. Il n’est pas de chef-d’œuvre dont on ne puisse, par ce procédé, faire aisément la chose la plus plate du monde. Nous concevons la parodie dans le sens critique, c’est-à-dire au moyen d’une certaine exagération humoristique des défauts de l’œuvre qu’on travestit, qui en fait ressortir le ridicule ou le danger, comme le Don Quijote, quand il parle des Amadis de Gaule, des Galaor, des Agesilan de Colchos, des Lancelot du Lac, des Esplandian et des autres romans de chevalerie. Nous avons vu la parodie de toutes les pièces représentées avec succès depuis une dizaine d’années, et bien qu’il y ait au fond de l’homme le moins envieux du monde un petit sentiment de malveillance qui lui fasse écouter avec une certaine satisfaction des plaisanteries sur une tragédie ou sur un drame en vogue, nous devons avouer n’y avoir jamais pris le moindre divertissement.

Du reste, Scarron était tout à fait de notre avis sur les parodies, et la manière dont il s’en exprime dans une épître à M. Deslandes-Payen, à qui il dédie le cinquième livre du Virgile travesti, prouve une modestie qui va jusqu’à l’injustice :