Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/414

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aveu transporte de rage le seigneur Alvaredo. « Qu’aura dit Isabelle, s’écrie le galant désespéré. — Elle aura dit que vous n’êtes pas beau, » répond Jodelet avec un flegme désespérant. Enfin don Juan s’apaise un peu, et, tout en cherchant la maison de don Fernan de Rochas, il raconte qu’en revenant de Flandre à Burgos, sa patrie, il a trouvé son frère tué en duel et sa sœur Lucrèce enlevée, sans savoir ni par qui ni comment. En errant dans l’ombre, Jodelet se heurte contre un drôle qu’il interroge, et qui lui apprend que c’est bien là le logis de don Fernan de Rochas. Pendant cette conversation, un homme descend du balcon et manque d’enfoncer avec son pied le sombrero des voyageurs jusque sur leurs yeux. Il appelle Estienne, et, voyant que c’est Jodelet qui répond, il s’échappe, non sans avoir échangé, à travers l’obscurité, quelques estocades inutiles avec don Juan d’Alvaredo. « Est-ce donc l’habitude, à Madrid, de se servir des fenêtres en manière de portes ? » dit Jodelet à son maître, tout penaud et tout déconfit, qui commence à prendre une mauvaise idée de la vertu d’Isabelle. Pour savoir à quoi s’en tenir, il propose à Jodelet de prendre ses habits et de jouer le rôle de maître dans la maison de don Fernan, déguisement déjà préparé par l’erreur dans l’envoi des portraits. Grâce à ce déguisement, don Juan Alvaredo apprend que don Luiz, l’homme qu’il a vu descendre du balcon, est le séducteur de Lucrèce et le meurtrier de son frère. Lucrèce, par un hasard romanesque, est venue précisément chercher un asile chez dona Isabelle ; don Luiz répare sa faute et rend l’honneur à celle qu’il a séduite. Don Juan Alvaredo épouse Isabelle, qui l’a