Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/55

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De gros pain bis, vivent d’orge et d’avoyne,
Et boyvent eau tout le long de l’année,
Tous les oyseaux d’icy en Babyloine,
À tel escot une seule journée
Ne me tiendroient, non une matinée.
Or, de par Dieu s’esbate franc Gonthier,
Hélène o[1] luy soubz le bel eglantier,
Si bien leur est, n’ay cause qu’il me poise ;
Mais, quoiqu’il soit du laboureux mestier,
Il n’est trésor que de vivre à son aise.


Villon n’était assurément pas un grand partisan de l’idylle ; mais sans lui, assez de gothiques nous ont fait des descriptions champêtres ; en revanche, il nous initie à toute la vie intérieure du moyen âge ; il est aussi curieux pour l’érudit que pour le poëte ; il nous fait connaître une foule de petits usages et de façons d’être qu’on ne trouve nulle part ailleurs ; lupanars, tavernes, jeux de paume, rôtisseries, bouges et repaires de toutes sortes, il nous conduit effrontément partout ; il vous décrit l’hôtesse et l’enseigne ; il ne vous fait pas grâce du moindre détail : la compagnie est singulièrement composée. — Tous filous, truands, filles de joie, entremetteuses, receleurs, et autres honnêtes professions. Les hommes sont : René de Montigny, Colin de Cayeux, voleurs, amis de cœur du poëte, qui furent branchés ; Michault Culdoue, le frère Beaude et autres, qui méritaient de l’être ; Fremin, le petit clerc, qui le sera assurément, car, avec un professeur comme Villon, la chose ne peut manquer ; maître Jehan Cotard, le bon ivrogne, qui se fait des bosses aux étaux des bouchers. En femmes, nous avons la

  1. Avec.