Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/81

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deux colonnes entourées de feuillages on voit un hibou et une lampe ; le blason de Virbluneau est au milieu ; sous le hibou est écrit : Inde mors ; sous la lampe : Inde vita. Mais je l’ai dit, ce n’est qu’une vieille habitude ; il y a au moins vingt sonnets dans cette dernière partie sur les baisers de sucre et de miel qu’Adriane lui a octroyés. Scalion, qui est pudique et loyal en tout, visait au mariage :

Acceptez pour mari Scalion de Virbluneau,


dit-il.

Il se maria donc avec Adriane ; ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. — Ceci finit comme les contes de fées ; mais, en vérité, je n’ai pu trouver un meilleur dénoûment. — J’espère qu’il n’a plus jamais fait de sonnets ni dessiné de gravures allégoriques.

Cependant, si détestable poëte qu’il soit, Scalion de Virbluneau aura l’ineffable gloire d’avoir fourni au grand Molière l’idée du madrigal que chante le marquis de Mascarille aux deux précieuses sœurs Cathos et Madelon. Le fameux : Au voleur ! au voleur ! se retrouve presque textuellement dans un sonnet du sieur d’Ofayel. Voici les deux vers.


Alarme ! alarme ! alarme ! et au secours !
On m’a volé mon cœur dans ma poitrine.


Il y a cent à parier contre un que Molière n’avait pas lu notre platonique poëte, mais il était donné à Molière de tout comprendre, de tout pénétrer, et de reproduire comme par divination jusqu’aux plus incroyables aberrations du ridicule humain.