Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petite oreille délicatement ourlée et rose comme un coquillage de la mer du Sud. Son peignoir de batiste, bordé de valenciennes, et négligemment fermé, lui faisait toutes sortes d’utiles trahisons ; un de ses bras sorti de la couverture s’allongeait languissamment sur l’ondulation de sa hanche ; l’autre s’arrondissait au-dessus de son front dans la pose de la Cléopâtre antique.

Sans avoir oublié Calixte, Dalberg n’y pensait peut-être pas avec la même intensité qu’auparavant, et contemplait Amine d’un œil, sinon amoureux, du moins caressant. Le regard admiratif qu’il eût accordé à un marbre, à un tableau, il ne pouvait le refuser à un chef-d’œuvre vivant.

Amine, satisfaite de l’effet qu’elle avait produit, dit à Dalberg d’un ton demi-sérieux, demi-badin :

— Si j’avais le moindre amour-propre, je croirais que vous vous êtes enfin décidé à venir rendre hommage « à mes faibles charmes ; » mais un autre motif vous amène. — Je ne suis pas assez jolie sans doute pour mériter un tel honneur.

— Madame, un pareil blasphème ne peut être dit que par vous.

— Vous êtes poli, Dalberg ; mais vous ne seriez pas ici, malgré tous vos compliments, sans un certain médaillon que vous grillez de ravoir et que je ne vous rendrai pas.

— Ne vous faites pas plus méchante que vous n’êtes, Amine. À quoi vous servira-t-il de le garder ?

— Cela me servira à vous faire venir. J’ai beaucoup de plaisir à vous voir.

— Ne raillez pas, je vous prie.

— Je parle sérieusement ; — qu’y a-t-il là d’étrange ?

— Voyons, — je vous donnerai une belle bague, un bracelet…