Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/90

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— Signe de prostration morale. Vous abusez du droit qu’ont les amoureux expulsés d’être mal en point dans leurs habits. — D’ici à huit jours, vous serez ridicule, je vous en avertis.

Dalberg jeta un coup d’œil sur une glace qui se trouvait près de là, et s’aperçut, en effet, de plusieurs infractions à l’élégance dans sa toilette.

— Calixte prend mieux son parti que vous. Elle est déjà toute consolée.

— C’est impossible ! s’écria Dalberg.

— Avez-vous l’amour-propre naïf ! Et l’on peut même déjà prévoir quel sera votre successeur auprès de cette chaste et vindicative personne. M. Desprez n’a pas envie, comme vous le pensez bien, de faire coiffer sainte Catherine à mademoiselle Calixte. Vous n’êtes pas le seul gendre de la création. Puisqu’on vous oublie, oubliez. Vous allez encore dire que je suis méchante ; mais, si vous voulez venir avec moi à l’Opéra, outre le ballet nouveau, je vous ferai voir un spectacle qui vous guérirait de votre passion malheureuse, et vous délierait des serments de fidélité que vous avez pu faire jadis ou récemment à votre belle.

— Que voulez-vous dire ? — Vous m’alarmez.

— Eh quoi ! vous n’avez pas plus de confiance que cela dans l’amour d’une jeune fille honnête, élevée au couvent, avec laquelle vous échangez des médaillons et des boucles de cheveux ? Vous tremblez au premier mot qu’on vous dit, vous reculez devant l’épreuve, vous n’osez soumettre cet or si pur à la coupelle, de peur de le trouver faux. — Viendrez-vous avec moi à l’Opéra ?

— Oui, j’irai, répondit Dalberg.

— Allons, je vais passer une robe et me mettre quelque chose dans les cheveux. Je viendrai vous prendre tout à l’heure ; soyez prêt.