Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/191

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s’il a le malheur de voir sa maîtresse tous les jours. Il y a une certaine amabilité qu’il est fort malaisé d’avoir à heure fixe, et c’est ce que les femmes ne veulent pas comprendre ; il est vrai qu’elles peuvent toujours être aimables, dans ce sens-là du moins, et c’est une des mille raisons pourquoi j’ai toujours désiré d’être femme.

Somme toute, il est bien plus aisé d’être amoureux en expectative qu’amoureux en fonction. Dire : J’aime ! est beaucoup moins pénible que de le prouver, avec cela que chaque preuve que l’on en donne rend la suivante plus difficile. Quoi qu’il en soit, madame de M*** trouva encore Rodolphe charmant, et dut s’avouer qu’elle n’avait jamais été aimée ainsi.

Le mari revint : on dîna, et l’on partit ensemble vertueusement, patriarcalement et bourgeoisement, pour la première représentation de la pièce.

Rodolphe afficha madame de M*** de la manière la plus indécente, et fit tout ce qu’il put pour exciter la jalousie du mari ; celui-ci, charmé d’être allégé du soin de sa femme, s’obstinait à ne rien voir, et madame de M*** ne se contraignait guère pour répondre aux agaceries de Rodolphe.

Décidément, ce mari-là était pétri d’une pâte sans levain.

Rodolphe rentra chez lui furieux, et ne sachant que faire pour forcer M. de M*** à s’othellotiser un tant soit peu.

Un éclair soudain lui illumina le cerveau. Il se