Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/200

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diocrement curieux, c’est un vrai style de papier à beurre ; c’est probablement quelque cuisinière renvoyée qui aura fabriqué cette belle missive pour me faire pièce et me mettre martel en tête.

rodolphe, un peu piqué dans son amour-propre d’auteur. — Il me semble que le style n’est pas aussi mauvais que vous le dites : il est simple, correct, et ne manque pas d’une certaine élégance.

le mari. — Fi donc ! il est d’une platitude…

madame de m***, impatientée. — Messieurs, laissez là cette sotte conversation ; c’est à périr d’ennui.

le mari, sans l’écouter. — Voyez donc à quoi tient la paix des ménages ! À un fil ; c’est effrayant. Hein ! si j’avais été jaloux ; mais heureusement je ne le suis pas. Je suis sûr de ma femme comme de moi-même, et d’ailleurs M. Rodolphe est parfaitement incapable…

rodolphe, de l’air d’un grand homme méconnu. — Ah ! monsieur, parfaitement incapable, sans fatuité…

madame de m***, à part. — Est-il fat ! il grille de raconter toute l’affaire à mon mari, pour lui prouver qu’il est capable.

le mari, avec un clignement d’yeux excessivement malin. — Quand je dis incapable, ce n’est pas physiquement, c’est moralement que j’entends la chose, mon jeune ami.

madame de m***, d’un ton d’humeur très-marqué. — En voilà assez là-dessus, jetez cette lettre au feu, et qu’il n’en soit plus question.