Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/23

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charmantes et inédites, mille roueries si machiavéliques, je serai si fatal et si vague, j’aurai l’air si ange déchu, si volcan, si échevelé, qu’il n’y aura pas moyen de ne pas se rendre. Votre femme elle-même, mon cher lecteur, votre maîtresse, si vous avez l’une ou l’autre, ou même les deux, ne pourront s’empêcher de dire, en joignant les mains : Pauvre jeune homme !

Que je sois damné si, dans six mois, je ne suis pas le fat le plus intolérable qu’il y ait d’ici à bien loin.

Il ne me manque vraiment que d’être bâtard pour que je sois parfait. Au diable les vers, au diable la prose ! je suis un viveur maintenant, je ne suis plus l’hypocondre qui, en fourgonnant son feu entre ses deux chats, faisait un tas de sottes rêvasseries à propos de tout et de rien. Avant qu’il soit longtemps, je prétends me faire un matelas de toutes les boucles blondes ou brunes dont mes beautés m’auront fait le sacrifice. Vous verrez, vous verrez ! D’un amour à l’autre, je vous écrirai, pour me reposer, de belles histoires adultérines, de beaux drames d’alcôve, auprès desquels Antony sera tout à fait enfantin et Florian. Pourtant je venais tout à l’heure d’envoyer les vers et la prose au diable ! ce que c’est que les mauvaises habitudes : on y revient toujours. Sur ce, monsieur, je vous salue avec tout le respect que l’on doit à un honnête lecteur. Madame, je vous baise les mains, et dépose mes hommages à vos pieds.