Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/250

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bas, la pointe en l’air, tenant par le doigt des comtesses en paniers, avec du rouge, des mouches, des paillettes et un éventail ; tantôt des marins, le chapeau ciré sur la tête, le poing sur la hanche, la pipe à la gueule, une catin au bras ; ou bien des merveilleux haut cravatés, corsés, bridés, gantés, menant des dames chargées de panaches, de fleurs, de rubans et de bijoux, ou des truands et des mauvais-garçons, avec le camail et le chaperon, la grande plume rouge, haute de trois pieds, la dague au poing, un jurement à la bouche, tous pêle-mêle avec des bohémiennes et des filles folles de leur corps, en jupes bigarrées et étincelantes de clinquant.

Au bruit que menait tout ce monde, les maisons les plus voisines commencèrent à se réveiller un peu, à se frotter les yeux, à mettre leurs lunettes sur le nez, et le nez à la fenêtre, toutes surprises qu’elles étaient d’un pareil tapage à une heure aussi indue.

On entrevoyait, sous les jalousies, de vénérables bonnets de coton avec leur mèche patriarcale, de mystérieuses cornettes et de chastes fontanges. Plus d’un épicier retiré gagna cette nuit-là un rhume de cerveau, plus d’une grisette oublia de faire une corne à la page du roman commencé, plus d’un chat amoureux, ébloui de ces clartés et de ces rumeurs insolites, se laissa tomber du haut d’un toit dans la rue.

À chaque entrée, c’était un hurrah frénétique ;