Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/318

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continuer ses aumônes, et de mettre ses pauvres dehors avec un Dieu vous garde !

Ce n’était qu’à de rares intervalles qu’il descendait au jardin ; il ne prenait plus aucun intérêt aux plantations de Pragmater, et l’on aurait marché sur les tournesols sans lui faire dire : Ah !

Le printemps vint. Ses fleurs avaient beau pencher la tête pour lui dire bonjour, il ne leur rendait pas leur salut, et la gaieté de la saison semblait même augmenter sa mélancolie.

Ses affaires ne s’arrangeant pas, il crut que sa présence serait nécessaire pour les vider entièrement.

Un voyage à *** était pour lui une entreprise aussi terrible que la découverte de l’Amérique : il le différa autant qu’il put ; car il n’avait jamais quitté, depuis sa sortie du séminaire, son village, enfoui au milieu des bois comme un nid d’oiseau, et il lui en coûtait beaucoup pour se séparer de son presbytère aux murailles blanches, aux contrevents verts, où il avait si longtemps caché sa vie aux yeux méchants des hommes.

En partant, il remit entre les mains de Berthe une petite bourse assez plate pour subvenir aux besoins de la maison pendant son absence, et promit de revenir bientôt.

Il n’y avait là rien que de fort naturel sans doute ; pourtant nous étions profondément émus, et je ne sais pourquoi il me semblait que nous ne le reverrions plus, et que c’était pour la dernière fois qu’il