Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/53

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au bout du pinceau, une gouttelette de rosée au bout d’une aiguille ; il allait le déposer sur la prunelle, quand un coup violent dans le coude fit dévier sa main, porter le point blanc dans les sourcils, et traîner le parement de son habit sur la joue encore fraîche qu’il venait de terminer. Il se détourna si brusquement à cette nouvelle catastrophe, que son escabeau roula à dix pas. Il ne vit personne. Si quelqu’un se fût trouvé là par hasard, il l’aurait certainement tué.

— C’est vraiment inconcevable ! dit-il en lui-même tout troublé ; Jacintha, je ne me sens pas en train ; nous ne ferons plus rien aujourd’hui.

Jacintha, se leva pour sortir.

Onuphrius voulut la retenir ; il lui passa le bras autour du corps. La robe de Jacintha était blanche ; les doigts d’Onuphrius, qui n’avait pas songé à les essuyer, y firent un arc-en-ciel.

— Maladroit ! dit la petite, comme vous m’avez arrangée ! et ma tante qui ne veut pas que je vienne vous voir seule, qu’est-ce qu’elle va dire ?

— Tu changeras de robe, elle n’en verra rien.

Et il l’embrassa. Jacintha ne s’y opposa pas.

— Que faites-vous demain ? dit-elle après un silence.

— Moi, rien et vous ?

— Je vais dîner avec ma tante chez le vieux M. de *** que vous connaissez, et j’y passerai peut-être la soirée.

— J’y serai, dit Onuphrius ; vous pouvez compter sur moi.