Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/149

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C’est avant d’arriver à Vittoria que l’on rencontre les montées abruptes de Mondragon et de Salinas, que l’on ne peut gravir qu’en attelant à la voiture plusieurs jougs de bœufs. La force de traction de ces braves bêtes est énorme. Rien n’est plus drôle, dans les endroits en pente, que de les voir trotter et même galoper : oui, ces lourds animaux, aux jambes cagneuses et presque luxées, galopent avec une allure dégingandée la plus singulière du monde !

Salinas, avec ses toits de tuiles à l’italienne, son clocher de faïence verte vernissée, a de loin un aspect pittoresque. De près, les trois ou quatre rues qui le composent sont étroites et noires ; mais une assez belle fontaine de pierre, de grands blasons sculptés sur les maisons, un joli palais à moitié en ruine et dans le goût de la renaissance, prouvent une ancienne splendeur disparue.

La même remarque peut s’appliquer à toutes les villes précédemment traversées, à Ernani, à Villa-Franca, à Villa-Real, à Bergara, d’où la vie semble s’être retirée, et dont plusieurs édifices, par la richesse de leur architecture, les armoiries et les devises qui les ornent, leurs balcons et leurs grilles d’une serrurerie admirable, indiquent une civilisation bien su-