Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/157

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maîtresse ! ne faites pas de bruit, il va se réveiller et se mettre à japper !

Qui a fait ce chef-d’œuvre ? On l’ignore. Quelle leçon pour nos amours-propres souffrants, pour notre effréné désir d’individualité ! Les maîtres qui ont produit cette merveille sont passés inconnus ; leurs immenses travaux n’ont pas même pu tirer leur nom de l’ombre !

Avant de regagner le courrier, qui s’impatiente, jetons vite un coup d’œil à ces deux autels latéraux qui sont de Gaspar Becerra ; et à cette Madeleine sur bois, inondant ses blanches épaules d’un torrent de cheveux bruns, traités un à un dans la manière de Léonard de Vinci.

Il était temps : le delantero, juché sur sa selle, faisait déjà claquer son fouet.

En sortant de Burgos, à un relais que l’on appelle Sarracin, il y eut — entre les postillons de la malle et ceux d’une magnifique voiture de Daldringen que l’on amenait à l’ambassadeur de France, exprès pour la cérémonie du mariage, tout emmaillottée d’étoupes et de toiles, — une de ces luttes de vitesse auxquelles les combattants attachent autant d’importance que si le sort du monde en dépendait, et qui ont pour enjeu la vie des voyageurs. Un zagal se trouva serré de si près