Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/203

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les oiseaux portaient nouées au cou des faveurs aux couleurs d’Espagne, jaune et rouge. D’autres banderillas étaient garnies de fleurs et de feuillages, de sorte qu’on aurait pris les taureaux ainsi enguirlandés pour les victimes d’un sacrifice antique.

On sonna la mort, et Montès s’avança l’épée d’une main et la muleta de l’autre ; la muleta, comme chacun sait, est un morceau d’étoffe écarlate fixé sur un bâton transversal et qui sert au matador à détourner l’attention de son adversaire cornu ; l’épée à deux tranchants, longue, forte, flexible, est choisie parmi les meilleures lames de Tolède, qui a encore le secret de la bonne trempe : la poignée affecte une forme spéciale, et, comme on dit, ne serait pas à la main pour tout autre genre d’exercice ; elle se termine par une boule de cuivre qui s’appuie à l’intérieur de la paume et permet au torero de pousser son estocade à fond en pesant de tout son poids sur la garde de l’épée.

D’un coup plongé de haut et de la perfection la plus classique, Montès dépêcha l’animal avec cette maestria qui n’appartient qu’à lui. Pas d’effort, pas de violence, rien qui indique la crainte ou fasse sentir le péril ; il semble, quand on voit Montès à l’œuvre, que rien n’est plus facile à tuer qu’un taureau ; l’épée entre dans ce