Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/258

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possède M. Beulé, l’historien de l’Acropole, dont le livre nous inspire un regret bizarre : c’est que, doué d’une existence antérieure, l’auteur n’ait pas écrit le voyage en Grèce à la place de Pausanias, le négligent et rapide touriste ; que d’incertitudes seraient fixées ! que de secrets indéchiffrables lus couramment ! — L’antiquité, si éminemment artiste, n’avait pas le sens critique et descriptif ; et c’est bien dommage, car tant de chefs-d’œuvre qui ont disparu vivraient encore dans des pages fidèles. Quelle sagacité admirable déploie M. Beulé pour retrouver l’emplacement des temples de Diane Brauronia et de Minerve Ergané ! comme il tire parti du moindre indice, interprétant sans le forcer un texte vague, interrogeant chaque pierre, trouvant une date dans le scellement d’une assise, dans la forme plus ou moins archaïque d’une lettre, dans la profondeur d’une cannelure, dans une strie du rocher ! avec quelle logique il réunit ces renseignements épars qui n’apprendraient rien à des yeux moins attentifs et moins savants, pour en former un faisceau de preuves concluantes ! Pièce à pièce, l’édifice se relève et reprend sa place dans ce chœur de monuments merveilleux qui menait sa ronde sacrée sur ce plateau sublime ; les statues absentes ou brisées en mille éclats par les bou-