Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serait heureux de vivre, sans être obligé toutefois de denticuler des roues de montre.

Tout en rampant sur le flanc escarpé du vallon, nous rencontrions de temps à autre le chemin de fer qui doit rejoindre Verrières à Neuchâtel, en train de se frayer une route à travers des obstacles que, dans tout autre siècle que le nôtre, on eût jugés insurmontables ; tantôt c’était un remblai en quartiers de granit, tantôt une arche enjambant un torrent, ou bien la bouche noire d’un tunnel trouant une montagne. Quels immenses travaux pour obtenir l’horizontalité indispensable au railway ! C’est un spectacle vraiment touchant que de voir ce pauvre animalcule humain, vermine parasite d’une planète, se donner tant de peine dans le but de secouer


L’antique pesanteur à tout objet pendante.


Et pourtant, par rapport à l’énormité du globe, cette tranchée colossale pour l’homme n’équivaut pas à une égratignure faite avec la plus fine aiguille anglaise sur la peau d’une orange. Les montagnes elles-mêmes ne sont que les rugosités de l’épiderme terrestre.

Malgré ces réflexions, le chemin de fer n’en est pas