Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/6

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Qu’il vous suffise donc de savoir qu’au moment où la voiture nous déposa, le long du quai, près d’un pont orné de pyramides de pierre dont les pointes se découpaient sur la pâleur du matin comme les pieds d’une table renversée, la cheminée du bateau à vapeur qui devait nous conduire à Lyon crachait déjà des flots de fumée noire et blanche.

Il était cinq heures environ, et le jour venait de se lever, lorsque les palettes des roues commencèrent à battre les eaux de la Saône.

La Saône est une rivière endormie, d’une teinte jaunâtre, au cours huileux, qui ne semble pas pressée d’arriver ; — elle a raison, car ses rives sont charmantes. Ce sont d’abord des berges où descendent boire des troupeaux, où nagent dans l’herbe des vaches tachetées qui lèvent leur mufle au passage du bateau, et d’un air rêveur le regardent fuir. Puis les terrains se relèvent, les bords se coupent en escarpements plus abrupts ; de jolies collines, des coteaux modérés, pour employer le style de Sainte-Beuve, ondulent gracieusement à l’horizon.

Tournus, que signale son église à tours jumelles, est dépassé.

Voici Mâcon la vineuse avec ses maisons à terrasses,