Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/62

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res noires gravir dans les rues escarpées et désertes en jetant des regards farouches par-dessus l’épaule. Leur croupe hottentote, leurs jambes sans mollets, leurs pieds à talons en forme d’ergots, leurs façons singulières de porter les bras, rappellent involontairement à l’Européen que le singe est plus proche parent de l’homme qu’on ne se l’imagine en général dans le Nord. — De loin en loin, elles disparaissent sous quelque porte basse entre-bâillée et refermée aussitôt.

Toutes ne sont pas laides cependant ; la race noire compte des types variés ; quelques espèces ont les traits purs, réguliers, le nez aquilin, les cheveux seulement crêpés, et, sauf la couleur d’ébène, réalisent les idées que nous nous faisons de la beauté. D’autres ont l’angle facial si aigu, les pommettes si saillantes, les lèvres si monstrueusement bouffies, un cachet si marqué de bestialité, que les macaques et les cynocéphales sont charmants en comparaison ! mais assez souvent ces têtes hideuses portent sur des corps d’une pureté de forme à défier les plus beaux bronzes. Les jeunes négresses, quand leurs contours ne sont pas altérés par les travaux de la maternité et de l’allaitement, ont des torses de statues antiques. Celles qui vaguent dans les rues ne sont que des servantes, des esclaves usées par la servi-