Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/86

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et cette suprême distinction, attribut des Orientaux si naturellement nobles, si parfaits gentlemen dans leurs manières ; — qu’on nous pardonne ce mot anglais à propos d’un caïd africain, il est le seul qui puisse rendre cette nuance.

Le salut oriental consiste à toucher la main du survenant et à reporter à sa bouche, pour y mettre le simulacre d’un baiser, les doigts qui ont effleuré ceux de l’étranger. Aleikoum el salam, répété de part et d’autre, complète la formule.

Ces cérémonies préalables terminées, le caïd nous fit asseoir auprès de lui sur un de ces étroits tapis faits par les Kabyles et qu’ils teignent avec la garance et le safran ; imitations barbares des merveilles de Smyrne, mais dont le goût sauvage n’est cependant pas à dédaigner ; les capas de muestra de Valence ressemblent fort à ces tapis.

Il ne serait peut-être pas inopportun d’esquisser ici le portrait d’Ahmed-ben-Kaddour. C’était un homme de quarante-cinq ans environ, dont la figure maigre, fatiguée plutôt que vieille, avait un singulier cachet de finesse et de distinction ; la chachia blanche qui entourait son masque bruni, en dessinait les méplats nettement accusés ; des yeux jeunes, limpides, impérieux et