Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/15

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Puis on l’avait aidée à mettre en ordre ses petites affaires de jeune fille, et parmi elles on avait trouvé toutes sortes de choses mondaines, entre autres un coupe-papier surmonté d’une figurine d’argent, et des jumelles ! Elle lisait donc des romans ? Elle allait donc au théâtre ? Mieux que cela, elle connaissait des acteurs, et il y avait un ténor du Théâtre-Italien qu’elle tutoyait ! Aux yeux de ces adolescentes pleines de candeur, mais dévorées de curiosité, elle avait pris aussitôt une importance extraordinaire.

Pendant les classes, au lieu d’étudier, elle faisait jaillir au nez de ses bonnes amies un mince fil d’eau parfumée contenue dans un tube de plomb, et désarmait la sous-maîtresse en lui offrant le corps du délit ; ou bien elle faisait jouer une tabatière à musique, dont les sons discrets n’étaient entendus que de ses compagnes les plus voisines.

Les jours de sortie, sa mère venait la chercher, en revenant du Bois, dans une voiture qu’elle conduisait elle-même. Lorsqu’elle rentrait à la pension, c’étaient des récits à n’en plus finir : elle avait été aux courses, au spectacle, et avait soupé à la Maison-d’Or.

— Ah ! disaient avec admiration ses amies, en la flairant de toutes leurs narines, tu sens le cigare !

Elle rapportait des romans-feuilletons roulés et travestis en bâtons de sucre de pomme. Sa mère l’avait aidée à les envelopper. On les lisait pendant l’étude, en cachette. Elle apporta aussi des ciga-