Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XIV


Le lendemain, il tombait une pluie fine et silencieuse, et la mer, sans horizon, était d’un gris verdàtre, morne et monotone. Aucun bateau ne se montrait. Seules, deux mouettes, d’un blanc éclatant sur ces teintes sombres, rasaient les lames, tandis qu’un vieux garde-côtes en blouse de futaine rouge courait le long de la plage en leur tirant des coups de fusil.

C’était là le dernier aspect que Lucienne et Adrien devaient garder dans leur souvenir de ce lieu où était né leur amour. La tristesse du temps s’ajoutait à leur tristesse : il_faisait froid, et ils avaient froid dans le cœur.

Ils se promenaient de long en large en face de l’hôlel, sous la pluie, tandis qu’on chargeait les bagages sur l’omnibus ; et ils échangeaient quelques mots, encore seul à seule, les derniers.

— Je vous ai offensée hier, disait Adrien ; mais, vous êtes bonne, vous oublierez cet instant d’égarement. Vous pardonnez, n’est-ce pas, à un amour affolé par la douleur ?