Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/24

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Puis il s’assit au bout de la table et murmura, en fermant à demi les yeux, au bruit des cuillers heurtant le fond des assiettes :

— Décidément, je suis enchanté de m’être embarqué dans cette entreprise !

Aussitôt le dîner fini, les trois misses replongèrent dans les profondeurs des corridors, les deux commerçants allèrent jouer au billard, et la famille Duplanchet resta seule.

Il faisait encore grand jour. Quelques personnes du pays se promenaient sur la plage ; bourgeois, matelots, femmes à la tête nue ou coiffée de bonnet. Un vieillard à la barbe blanche, aux yeux doux, s’approcha d’une des fenêtres du restaurant.

— Bonsoir, mesdames et monsieur, dit-il.

— Bonsoir, monsieur Lemercier, répondit toute la famille.

— Eh bien, Duplanchet, vous est-il venu des voyageurs, aujourd’hui ?

— Jusqu’à présent non ; mais il en viendra tout à l’heure.

— Pas plus qu’hier, pas plus qu’il n’en viendra demain.

— La journée n’est pas finie, insista Duplanchet.

— Quel homme admirable vous êtes ! l L’espoir ne meurt jamais en vous. À chaque omnibus qui vous, revient bredouille, vous vous dites : « Ce sera pour le prochain voyage. » Votre foi n’est pas ébranlée.

— Mais pourquoi n’aurions-nous pas d’étrangers