Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/272

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plumes. Elle retoucha, corrigea, tordit les tiges, les enveloppa de mousse, répandit sur les pétales une pluie de rosée en perles transparentes, cacha un scarabée dans la corolle d’une rose, suspendit un papillon au-dessus d’un volubilis. Quand ce fut fini, elle battit des mains ; elle avait réussi au delà de ses espérances.

Aussitôt sa boutique fermée, elle enveloppa son bouquet et se dirigea vers l’habitation de M. Lemercier.

Le vieillard demeurait à mi-côte de la falaise, dans un grand chalet qui regardait vers la mer.

L’intérieur de la maison était des plus singuliers. Après le vestibule franchi, on pénétrait dans une très-vaste pièce qui tenait toute la largeur de l’habitation. Tout ce que le vieux marin avait rapporté de ses voyages dans les pays les plus divers, était réuni dans cetlo pièce et la décorait d’une façon sauvage et surprenante. Là, des nattes indiennes couvraient le sol ; plus loin, c’étaient des tapis de Turquie ou des dépouilles de bêtes fauves. Un casoar empaillé dressait sa haute stature en face d’un requin dont la gueule ouverte laissait voir les dents. Un hamac, rapporté du Brésil, tout garni de plumes d’oiseaux aux couleurs brillantes, déployait son arc gracieux dans un angle. Des idoles mexicaines, des chasse-mouches, des armes, des costumes, des draperies, des étoffes brodées, couvraient le mur et le plafond. Sur une grande table qui occupait le milieu de la pièce, étaient entassées toutes sortes de statuettes en ivoire