Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/48

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— Ah ! vous m’ennuyez ! dit Lucienne ; est-ce qu’il y a quelque chose à reprendre dans mes manières ou dans mon langage, depuis que je suis votre nièce ?

— En public, tu te tiens très-bien, c’est vrai. Mais quelqu’un pourrait te reconnaître.

— Qui donc ? les pêcheurs de crevettes ?

— C’est vrai qu’il n’y a pas grand monde.

— Vous vous plaisez à me contrarier toujours. Est-ce que je les avalerai, ces bourgeois ? Est-ce que j’ai la peste ? Vous êtes d’une impertinence ! D’ailleurs, dites tout ce que vous voudrez, j’ai promis.

— Si tu as promis, il n’y a plus rien à dire, et du moment que cela te fait plaisir, j’obéis. Après tout, cela m’est égal, ce n’est pas moi qui leur ai fait des avances ?

— C’est bon ! arrangez-vous un peu, vous êtes tout ébouriffé, dit Lucienne. Prenez un paletot pour ce soir, et garnissez bien votre porte-monnaie ; nous dînerons là-bas, nous boirons du bon vin.

La voiture arriva bientôt. C’était une grande calèche aux ressorts usés, traînée par deux forts chevaux caparaçonnés de grelots. Le cocher avait un faux air de postillon. On emporta des ombrelles, des manteaux, des parapluies. Adrien monta sur le siège près du cocher, et le véhicule s’ébranla.

— Bonne promenade ! cria de la porte madame Mafflu, en agitant la main.

On enfila bruyamment les rues de la ville, la voiture sautait sur les pavés, les grelots tintaient, le