Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/55

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dans l’eau d’un fossé ; un petit pont d’une seule arcbe, reliant la tour à la terre, arrondissait son demi-cercle, dont le reflet faisait un cercle parfait.

Le château proprement dit appartenait au siècle de Louis XIII et montrait, comme les monuments de cette époque, un mélange de briques et de pierres, et des rampes soigneusement ouvragées.

Ce qu’on appelait la ruine était un reste de chapelle gothique envahi par les lierres et les plantes grimpantes ; mais, au milieu de ces allées sablées, de ces gazons anglais, de ces massifs de géraniums, la ruine semblait artificielle. Elle était charmante néanmoins, avec ses gracieux arceaux se découpant sur l’azur du ciel. La toiture avait complètement disparu ; le dallage, au contraire, était presque intact, et l’on pouvait lire encore les inscriptions funéraires indiquant les morts qu’il recouvrait. Dans les ogives des fenêtres, le caprice des liserons dessinait des vitraux que le soleil traversait gaiement. Derrière l’autel encore debout, fleurissait un églantier à la place des vases sacrés. Deux papillons blancs palpitaient au-dessus du même calice.

Sur l’autel était posé un album, et les visiteurs y écrivaient des vers, des pensées, ou simplement leur nom.

Lucienne, toujours au bras d’Adrien, monta les degrés de pierre et vint feuilleter ce livre.

— Vous avez l’air de deux fiancés, dit Jenny en les rejoignant ; les oiseaux chantent la messe.

Lucienne tressaillit et baissa la tête, tandis que le