Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lueur rousse qui semblait s’approcher. C’était une lanterne, certainement !… il y avait donc un homme dans cette solitude ?…

Je fis mes cris plus plaintifs encore et la lueur s’approcha plus vite. Elle était dirigée de notre côté et je ne pouvais pas voir celui qui tenait la lanterne. À quelque distance, il s’arrêta, et une voix faible et un peu tremblante se fit entendre.

— Qui donc se plaint ainsi ? demandait-elle ; qui donc trouble le repos de la forêt ?… Se peut-il que ce soit cet éléphant ? Quelle raison a-t-il alors de gémir ainsi qu’un homme ?

Je couchai la princesse sur mes défenses, je la mis sous la lueur de la lanterne…

— Ah ! la pauvre enfant !… s’écria aussitôt la voix.

Et un vieillard s’approcha tout à fait, posa sa main osseuse et brune sur le cœur de Parvati.

— Elle est évanouie seulement, dit-il, venez, suivez-moi. Ne perdons pas de temps. N’entendez-vous pas qu’un orage se prépare ? Ne restons pas un instant de plus sous les arbres.

Il se mit à marcher rapidement en éclairant la route et je le suivis, portant avec précaution ma chère Parvati évanouie.

Il atteignit bientôt une grande clairière au milieu de laquelle, adossée à un rocher, s’élevait une petite cabane en planches.

— Nous voici chez moi, dit l’homme, je ne suis qu’un pauvre anachorète dégoûté du monde et retiré dans la solitude pour méditer, je suis dénué de tout. La forêt m’a fourni des plantes, cependant, qui auront la vertu, j’espère, de rappeler à la vie cette mignonne jeune fille.

Ma tête seule pouvait passer la porte de la cabane. Je posai Parvati sur un lit de feuilles, tandis que l’anachorète accrochait la lanterne.

Il écrasa ensuite entre ses mains une herbe au parfum violent, la fit respirer à la princesse, lui en frotta les tempes et les poignets.