Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/129

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Un immense éclair éblouit la princesse qui se cacha les yeux dans ses mains en poussant un cri.

Enfonçant ma tête plus avant dans la cabane, je bouchai toute la porte avec mon corps pour lui masquer les éclairs.

Pauvre petite ! dit l’anachorète, et moi qui parle du néant final à cette fleur ravissante, qui fleurit et embaume tout autour d’elle.

Il lui écarta doucement les mains qu’elle crispait toujours sur ses yeux.

— Ne crains rien, dit-il, nous sommes ici à l’abri de l’orage.

Et, pour la distraire, il ajouta :

— Si tu veux, je vais te conter une histoire, qui te fera comprendre pourquoi je n’aime pas un monde où le hasard peut servir un voleur et un menteur et le combler de bienfaits.

— Oh ! je vous en prie, dit Parvati oubliant l’orage, contez-moi cette histoire.

— Voici, dit l’anachorète :


Autrefois, vivait un pauvre brahmane ignorant, qui possédait une nombreuse famille. Après avoir mendié longtemps, ils entrèrent, lui et les siens, au service d’un homme fort riche nommé Sthûladatta ; les enfants de Hariçarman, c’est ainsi que s’appelait le brahmane, gardaient les vaches, les moutons et les bêtes de la basse-cour ; sa femme vaquait aux besoins du ménage, lui-même fut attaché à la personne du maître.

Un jour Sthûladatta célébra les noces de sa fille, mais il omit d’inviter Hariçarman à cette fête.

— Bien sûr, dit celui-ci à sa femme, on me méprise à cause de ma pauvreté et de mon ignorance ; mais je vais me faire passer pour un savant, afin que Sthûladatta m’estime. À l’occasion, tu pourras dire que je suis un devin très fort.

Alors, il fit sortir le cheval du gendre de Sthûladatta de l’écurie