Page:Gautier - Ménagerie intime (Lemerre 1869).djvu/62

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elle tremperait volontiers sa patte dans l’eau pour en retirer une ablette, un carpillon ou une truite. Le poisson lui cause une espèce de délire, et, comme les enfants qu’enivre l’espoir du dessert, quelquefois elle rechigne à manger sa soupe, quand les notes préalables qu’elle a prises à la cuisine lui font savoir que la marée est arrivée, et que Vatel n’a aucune raison de se passer son épée à travers le corps. Alors on ne la sert pas, et on lui dit d’un air froid : « Mademoiselle, une personne qui n’a pas faim pour la soupe ne doit pas avoir faim pour le poisson », et le plat lui passe impitoyablement sous le nez. Bien convaincue que la chose est sérieuse, la gourmande Éponine avale son potage en toute hâte, lèche la dernière goutte de bouillon, nettoie la moindre miette de pain ou de pâte d’Italie, puis elle se retourne vers nous et nous regarde d’un air fier, comme