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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

gnures ; — puis une belle et jeune femme tout en blanc, dont la chair rosait délicatement la robe transparente aux endroits où elle la touchait : on ne pouvait rien imaginer de mieux entendu pour le plaisir de l’âme, ainsi que pour celui des yeux.

Aussi mon regard satisfait et nonchalant allait, avec un plaisir égal, d’un magnifique pot tout semé de dragons et de mandarins, à la pantoufle de Rosette, et de là au coin de son épaule qui luisait sous la batiste ; il se suspendait aux tremblantes étoiles du jasmin et aux blonds cheveux des saules du rivage, passait l’eau et se promenait sur la colline, et puis revenait dans la chambre se fixer aux nœuds couleur de rose du long corset de quelque bergère.

À travers les déchiquetures du feuillage, le ciel ouvrait des milliers d’yeux bleus ; l’eau gazouillait tout doucement, et moi, je me laissais faire à toute cette joie, plongé dans une extase tranquille, ne parlant pas, et ma main toujours entre les deux petites mains de Rosette.

On a beau faire : le bonheur est blanc et rose ; on ne peut guère le représenter autrement. Les couleurs tendres lui reviennent de droit. — Il n’a sur sa palette que du vert d’eau, du bleu de ciel et du jaune paille : ses tableaux sont tout dans le clair comme ceux des peintres chinois. — Des fleurs, de la lumière, des parfums, une peau soyeuse et douce qui touche la vôtre, une harmonie voilée et qui vient on ne sait d’où, on est parfaitement heureux avec cela ; il n’y a pas moyen d’être heureux différemment. Moi-même, qui ai le commun en horreur, qui ne rêve qu’aventures étranges, passions fortes, extases délirantes, situations bizarres et difficiles, il faut que je sois tout bêtement heureux de cette manière-là, et, quoi que j’aie fait, je n’ai pu en trouver d’autre.

Je te prie de croire que je ne faisais aucune de ces