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Page:Gautier - Mademoiselle de Maupin (Charpentier 1880).djvu/177

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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

Théodore.

Et que pense de vous ce jeune homme qui, aux yeux du monde, est aujourd’hui votre amant ?

Rosette.

La pensée d’un amant est un gouffre plus profond que la baie de Portugal, et il est bien difficile de dire ce qu’il y a au fond d’un homme ; la sonde serait attachée à une corde de cent mille toises de longueur, et on la déviderait jusqu’au bout, qu’elle filerait toujours sans rien rencontrer qui l’arrêtât. Cependant j’ai touché quelquefois le fond de celui-ci en quelques endroits, et le plomb a rapporté tantôt de la boue, tantôt de beaux coquillages, mais le plus souvent de la boue et des débris de coraux mêlés ensemble. — Quant à son opinion sur moi, elle a beaucoup varié ; il a commencé d’abord par où les autres finissent, il m’a méprisée ; les jeunes gens qui ont l’imagination vive sont sujets à cela. — Il y a toujours une chute énorme dans le premier pas qu’ils font, et le passage de leur chimère à la réalité ne peut se faire sans secousse. — Il me méprisait, et je l’amusais ; maintenant il m’estime, et je l’ennuie. — Aux premiers jours de notre liaison, il n’a vu dans moi que le côté banal, et je pense que la certitude de ne pas éprouver de résistance était pour beaucoup dans sa détermination. Il paraissait extrêmement empressé d’avoir une affaire, et je crus d’abord que c’était une de ces plénitudes de cœur qui ne cherchent qu’à déborder, un de ces amours vagues que l’on a dans le mois de mai de la jeunesse, et qui font qu’à défaut de femmes on entourerait les troncs d’arbres avec ses bras, et qu’on embrasserait les fleurs et le gazon des prairies. — Mais ce n’était pas cela ; — il ne passait à travers moi que pour arriver à autre chose. J’étais un chemin pour lui,