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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

en été parce qu’on sue ; mais ce qu’il y a de plus ennuyeux sur terre, en enfer et au ciel, c’est assurément une tragédie, à moins que ce ne soit un drame ou une comédie.

Cela me fait réellement mal au cœur. — Qu’y a-t-il de plus niais et de plus stupide ? Ces gros tyrans à voix de taureau, qui arpentent le théâtre d’une coulisse à l’autre, en faisant aller comme des ailes de moulin leurs bras velus, emprisonnés dans des bas de couleur de chair, ne sont-ils pas de piètres contrefaçons de Barbe-Bleue ou de Croquemitaine ? Leurs rodomontades feraient pouffer de rire quiconque se pourrait tenir éveillé.

Les amantes infortunées ne sont pas moins ridicules. — C’est quelque chose de divertissant que de les voir s’avancer, vêtues de noir ou de blanc, avec des cheveux qui pleurent sur leurs épaules, des manches qui pleurent sur leurs mains, et le corps prêt à saillir de leur corset comme un noyau qu’on presse entre les doigts ; ayant l’air de traîner le plancher à la semelle de leurs souliers de satin, et, dans les grands mouvements de passion, repoussant leur queue en arrière avec un petit coup de talon. — Le dialogue, exclusivement composé de oh ! et de ah ! qu’elles gloussent en faisant la roue, est vraiment une agréable pâture et de facile digestion. — Leurs princes sont aussi fort charmants ; ils sont seulement un peu ténébreux et mélancoliques, ce qui ne les empêche pas d’être les meilleurs compagnons qui soient au monde et ailleurs.

Quant à la comédie qui doit corriger les mœurs, et qui s’acquitte heureusement assez mal de son devoir, je trouve que les sermons des pères et les rabâcheries des oncles sont aussi assommants sur le théâtre que dans la réalité. — Je ne suis pas d’avis que l’on double