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PRÉFACE.

pourquoi, quelque envie que nous ayons de continuer le blason des illustres Aristarques de l’époque, nous nous contenterons du crayon commencé que nous venons d’en tirer, en y ajoutant quelques réflexions sur la bonhomie de nos débonnaires confrères en Apollon qui, aussi stupides que le Cassandre des pantomimes, restent là à recevoir les coups de latte d’Arlequin et les coups de pied au cul de Paillasse, sans bouger non plus que des idoles.

Ils ressemblent à un maître d’armes qui, dans un assaut, croiserait ses bras derrière son dos, et recevrait dans sa poitrine découverte toutes les bottes de son adversaire, sans essayer une seule parade.

C’est comme un plaidoyer où le procureur du roi aurait seul la parole, ou comme un débat où la réplique ne serait pas permise.

Le critique avance ceci et cela. Il tranche du grand et taille en plein drap. Absurde, détestable, monstrueux : cela ne ressemble à rien, cela ressemble à tout. On donne un drame, le critique le va voir ; il se trouve qu’il ne répond en rien au drame qu’il avait forgé dans sa tête sur le titre ; alors, dans son feuilleton, il substitue son drame à lui au drame de l’auteur. Il fait de grandes tartines d’érudition ; il se débarrasse de toute la science qu’il a été se faire la veille dans quelque bibliothèque et traite de Turc à More des gens chez qui il devrait aller à l’école, et dont le moindre en remontrerait à de plus forts que lui.

Les auteurs endurent cela avec une magnanimité, une longanimité qui me paraît vraiment inconcevable. Quels sont donc, au bout du compte, ces critiques au ton si tranchant, à la parole si brève, que l’on croirait les vrais fils des dieux ? ce sont tout bonnement des hommes avec qui nous avons été au collége, et à qui évidemment leurs études ont moins profité qu’à nous, puisqu’ils n’ont produit aucun ouvrage et ne peuvent faire autre chose que conchier et gâter ceux des autres comme de véritables stryges stymphalides.

Ne serait-ce pas quelque chose à faire que la critique des critiques ? car ces grands dégoûtés, qui font tant les superbes et les difficiles, sont loin d’avoir l’infaillibilité de notre saint père. Il y aurait de quoi remplir un journal quotidien et du