Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/107

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la haute perspicacité du magistrat devant lequel ils avaient l’honneur de parler.

Quant à eux, sauf meilleur avis, ils pensaient que cette disparition mystérieuse, cette coïncidence singulière de travestissements, ces habits renvoyés par manière de défi, toutes ces choses d’une étrangeté inexplicable, devaient se rattacher à quelque grande conspiration ayant pour but de mettre sur le trône Espartero ou le comte de Montemolin. Sous ces habits d’emprunt, les coupables étaient sans doute partis pour aller rejoindre, dans l’Aragon ou la Catalogne, quelque noyau carliste, quelque reste de guérilla cherchant à se réorganiser. L’Espagne dansait sur un volcan ; mais, si l’on voulait bien leur accorder une gratification, ils se chargeaient, à eux deux, Argamasilla et Covachuelo, d’éteindre ce volcan, d’empêcher les coupables de rejoindre leurs complices, et promettaient, sous huit jours, de livrer la liste des conjurés et les plans du complot.

L’alcade écouta ce rapport remarquable avec toute l’attention qu’il méritait, et dit aux deux agents :

« Avez-vous quelques renseignements sur les démarches faites par ces deux individus après leur travestissement réciproque ?

— Le majo, habillé en homme du monde, est allé se promener dans le salon du Prado, est entré au