Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/11

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parements de son habit, donna un tour à ses cheveux et releva la pointe de ses moustaches ; il se défit aussi de son air contrarié, et le plus joli sourire de commande vint errer sur ses lèvres.

« Pourvu, dit-il en franchissant le seuil de l’appartement, que l’idée ne lui vienne pas de me faire répéter avec elle cet exécrable duo de Bellini qui n’en finit pas, et qu’il faut reprendre vingt fois ! Je manquerai le commencement de la course et ne verrai pas la grimace de l’alguazil quand on ouvrira la porte au taureau. »

Telle était la crainte qui préoccupait don Andrès, et, à vrai dire, elle était bien fondée.

Feliciana, assise sur un tabouret et légèrement penchée, déchiffrait la partition formidable ouverte à l’endroit redouté ; les doigts écartés, les coudes faisant angle de chaque côté de sa taille, elle frappait des accords plaqués et recommençait un passage difficile avec une persévérance digne d’un meilleur sort.

Elle était tellement occupée de son travail, qu’elle ne s’aperçut pas de l’entrée de don Andrès, que la suivante avait laissé passer sans l’annoncer, comme familier de la maison et futur de sa maîtresse.

Andrès, dont les pas étaient amortis par la natte de paille de Manille qui recouvrait les briques du plancher, parvint jusqu’au milieu de la chambre sans avoir attiré l’attention de la jeune fille.