Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/13

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Ces rideaux, il faut le dire, excitaient l’admiration et l’envie générales.

Il serait injuste de passer sous silence une foule de petits chiens en verre filé, de groupes en porcelaine moderne, de paniers en filigrane entremêlés de fleurs d’émail, de serre-papiers d’albâtre et de boîtes de Spa relevées de coloriages qui encombraient les étagères, brillantes superfluités destinées à trahir la passion de Feliciana pour les arts.

Car Feliciana Vasquez avait été élevée à la française et dans le respect le plus profond de la mode du jour ; aussi, sur ses instances, tous les meubles anciens avaient-ils été relégués au grenier, au grand regret de don Geronimo Vasquez, son père, homme de bon sens, mais faible.

Les lustres à dix bras, les lampes à quatre mèches, les fauteuils couverts de cuir de Russie, les draperies de damas, les tapis de Perse, les paravents de la Chine, les horloges à gaine, les meubles de velours rouge, les cabinets de marqueterie, les tableaux noirâtres d’Orrente et de Menendez, les lits immenses, les tables massives de noyer, les buffets à quatre battants, les armoires à douze tiroirs, les énormes vases à fleurs, tout le vieux luxe espagnol, avaient dû céder la place à cette moderne élégance de troisième ordre qui ravit les naïves populations éprises d’idées civilisatrices et dont une