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Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/158

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passé sur une grosse pierre, vint lui taper sur l’épaule et lui dit :

« Homme, vous me paraissez avoir des bras robustes ; voulez-vous m’aider à relever ma charrette ? Mes pauvres bêtes s’épuisent en vain. »

Juancho s’approcha, et sans mot dire se mit en devoir de relever la charrette ; mais les mains lui tremblaient, ses jambes flageolaient, ses muscles invaincus ne répondaient plus à l’appel. Il la soulevait un peu et la laissait retomber, épuisé, haletant.


« Au juger, je vous aurais cru la poigne plus solide que cela », dit le bouvier, étonné du peu de succès des efforts de Juancho.

Il n’avait plus de forces, il était malade.

Cependant, piqué d’honneur par la remarque du bouvier, et orgueilleux de ses muscles comme un gladiateur qu’il était, il réunit, par une projection de volonté effrayante, tout ce qui lui restait de vigueur et donna un élan furieux.

La charrette se retrouva sur ses roues comme par enchantement, sans que le bouvier y eût mis la main. La secousse avait été si violente que la voiture avait failli verser de l’autre côté.

« Comme vous y allez, mon maître ! s’écria le bouvier émerveillé ; depuis l’hercule d’Ocaña, qui emportait les grilles des fenêtres, et Bernard de Carpio, qui arrêtait les meules de moulin avec le doigt, on n’a pas vu un gaillard pareil. »