Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/16

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tout s’y trouvait réuni. Andrès s’était habitué à considérer Feliciana comme sa femme. Aussi lui semblait-il rentrer chez lui en allant chez elle ; et que peut faire un mari chez lui, si ce n’est désirer de sortir ? Il trouvait d’ailleurs à doña Feliciana toutes les qualités essentielles ; elle était jolie, mince et blonde ; elle parlait français et anglais, faisait bien le thé. Il est vrai que don Andrès ne pouvait souffrir cette horrible mixture. Elle dansait et jouait du piano, hélas ! et lavait assez proprement l’aquarelle. Certes, l’homme le plus difficile n’aurait pu exiger davantage.

« Ah ! c’est vous, Andrès », dit sans se retourner Feliciana, qui avait reconnu la présence de son futur au craquement de ses chaussures.

Que l’on ne s’étonne pas de voir une demoiselle aussi bien élevée que Feliciana interpeller un jeune homme par son petit nom ; c’est l’usage en Espagne au bout de quelque temps d’intimité, et l’emploi du nom de baptême n’a pas la même portée amoureuse et compromettante que chez nous.

« Vous arrivez tout à propos ; j’étais en train de repasser ce duo, que nous devons chanter ce soir à la tertulia de la marquise de Benavidès.

— Il me semble que je suis un peu enrhumé », répondit Andrès.

Et comme pour justifier son assertion, il essaya de tousser ; mais sa toux n’avait rien de convaincant,