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Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/168

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pour croire les avoir payés trop chers d’une égratignure.

Une accusation d’assassinat dont la victime se porte bien et plaide pour le meurtrier ne peut pas être soutenue longtemps, même par le fiscal le plus altéré de vindicte publique.

Ainsi Juancho fut-il relâché au bout de quelque temps, avec le regret de devoir sa liberté à l’homme qu’il haïssait le plus sur terre, et dont à aucun prix il n’eût voulu recevoir un service.

En sortant de prison, il dit d’un air sombre :

« Maintenant, me voilà misérablement lié par ce bienfait. Je suis un lâche et un infâme, ou désormais cet homme est sacré pour moi. Oh ! j’aurais préféré aller aux galères ; dans dix ans je serais revenu et je me serais vengé. »

A dater de ce jour, Juancho disparut. Quelques personnes prétendirent l’avoir vu galoper du côté de l’Andalousie sur son cheval noir. Le fait est qu’on ne le rencontra plus dans Madrid.

Militona respira plus à l’aise ; elle connaissait assez Juancho pour ne plus rien craindre de sa part.

Les deux mariages se firent en même temps et à la même église. Militona avait voulu faire elle-même sa robe de mariée : c’était son chef-d’œuvre ; on l’aurait dite taillée dans les feuilles d’un lis ; elle était si bien faite, que personne ne la remarqua.