Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui leur sert d’âme : celles-ci ne pouvaient être animées que par de jeunes amants ou de nouveaux époux.

Puisque la grille n’est pas fermée, poussons-la et pénétrons dans l’intérieur.

Au fond du patio, une autre porte, ouverte aussi, nous donnera entrée dans un jardin qui n’est ni français ni anglais, et dont le type n’existe qu’à Grenade ; une vraie forêt vierge de myrtes, d’orangers, de grenadiers, de lauriers-roses, de jasmins d’Espagne, de pistachiers, de sycomores, de térébinthes, dominée par quelque cyprès séculaire s’élevant silencieusement dans le bleu du ciel, comme une pensée de mélancolie au milieu de la joie.

A travers ces fouillis de fleurs et de parfums s’élançaient en fusées d’argent les eaux du Darro, amenées du sommet de la montagne par les merveilleux travaux hydrauliques des Arabes.

Des plantes rares s’épanouissaient en gerbe dans de vieux vases moresques, aux ailes découpées à jour, au galbe plein de sveltesse, historiées de versets du Coran.

Mais ce qu’il y avait de plus remarquable était une allée de lauriers aux troncs polis, aux feuilles métalliques, le long de laquelle régnaient deux bancs à dossiers et à sièges de marbre, et couraient deux ruisseaux d’une eau diamantée dans une rigole d’albâtre.