Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/182

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Aux mantilles se mêlaient ces beaux châles écarlates et posés sur la tête, qui encadrent si bien les visages d’une pâleur mate des femmes de Puerto de Santa Maria et de Xérès de la Frontera. Les majos, laissant pendre un mouchoir de chacune des poches de devant de leur veste, se dandinaient et prenaient des poses en s’appuyant sur leur vara, espèce de canne bifurquée, ou s’adressaient des andaluçades dans leur patois désossé et presque entièrement composé de voyelles.

L’heure de la course approchait, et chacun se dirigeait du côté de la place en racontant des merveilles du torero, qui, s’il continuait et n’était pas embroché subitement tout vif, ne tarderait pas à dépasser Montés lui-même, car il avait certainement tous les diables au corps.

Andrès et Militona s’assirent dans leur loge et la course commença.

Ce fameux torero était vêtu de noir ; sa veste, toute garnie de jais et d’ornements de soie, avait une richesse sombre en harmonie avec la physionomie farouche et presque sinistre de celui qui la portait ; une ceinture jaune tournait autour de ses flancs maigres ; dans cette charpente, il n’y avait que des muscles et des os.

Sa figure brune était coupée de deux ou trois rides tracées plutôt par l’ongle tranchant d’un souci que par le soc des années ; car, bien que la jeunesse