Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/33

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veillé d’un rêve et sans jeter les yeux sur le jeune homme arrêté devant lui.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il remue incessamment l’oreille droite, ce qui est un signe presque infaillible. »

Cela dit, Juancho porta à ses lèvres le reste de son papelito, qui s’évanouit en une pincée de cendres blanches.

L’heure fixée pour l’ouverture de la course approchait ; tous les toreros, à l’exception de Juancho, s’étaient levés ; la conversation languissait et l’on entendait les coups sourds de la lance des picadores s’exerçant contre le mur dans une cour intérieure, pour se faire la main et étudier leurs chevaux. Ceux qui n’avaient pas fini leurs cigarettes les jetèrent ; les chulos arrangèrent avec coquetterie sur leur avant-bras les plis de leurs capes de couleurs éclatantes et se mirent en rang. Le silence régnait, car c’est un moment toujours un peu solennel que celui de l’entrée dans la place, et qui rend les plus rieurs pensifs.

Juancho se leva enfin, jeta son manteau qui s’affaissa sur le banc, prit son épée et sa muleta, et alla se mêler au groupe bigarré.

Tout nuage s’était envolé de son front. Ses yeux brillaient, sa narine dilatée aspirait l’air fortement. Une singulière expression d’audace animait ses traits ennoblis. Il se carrait et cambrait comme pour se