Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/36

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faite, n’accordait pas grande attention aux préliminaires de la course, et le taureau avait déjà éventré un cheval sans qu’il eût jeté un seul regard au cirque.

Il contemplait la jeune fille placée à côté de lui avec une fixité qui l’eût gênée sans doute si elle s’en fût aperçue. Elle lui sembla plus charmante encore que la première fois. Le travail d’idéalisation, qui se mêle toujours au souvenir et fait souvent éprouver des déceptions quand on se retrouve en présence de l’objet rêvé, n’avait rien pu ajouter à la beauté de l’inconnue ; il faut avouer aussi que jamais type plus parfait de la femme espagnole ne s’était assis sur les gradins de granit bleu du cirque de Madrid.

Le jeune homme, en extase, admirait ce profil si nettement découpé, ce nez mince et fier aux narines roses comme l’intérieur d’un coquillage, ces tempes pleines où, sous un léger ton d’ambre, se croisait un imperceptible lacis de veines bleues ; cette bouche fraîche comme une fleur, savoureuse comme un fruit, entrouverte par un demi-sourire et illuminée par un éclair de nacre, et surtout ces yeux d’où le regard pressé par deux épaisses franges de cils noirs jaillissait en irrésistibles effluves.

C’était toute la pureté du type grec, mais affinée par le caractère arabe, la même perfection avec un