Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/41

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de rigueur, puis jeta en l’air sa montera avec la crânerie la plus coquette. Le silence se fit tout à coup parmi l’assemblée, ordinairement si tumultueuse ; l’attente oppressait toutes les poitrines.

Le taureau que devait tuer Juancho était des plus redoutables ; pardonnez-nous si, occupé d’Andrès et de Militona, nous ne vous avons pas conté ses prouesses en détail : sept chevaux étendus, vides d’entrailles et découpant sur le sable, aux différents endroits où l’agonie les avait fait tomber, la mince silhouette de leur cadavre, témoignaient de sa force et de sa furie. Les deux picadores s’étaient retirés moulus de chutes, presque éclopés, et le sobre-saliente (doublure) attendait dans la coulisse, en selle et la lance au poing, prêt à remplacer ses chefs d’emploi hors de service.

Les chulos se tenaient prudemment dans le voisinage de la palissade, le pied sur l’étrier de bois qui sert à la franchir en cas de péril ; et le taureau vainqueur vaguait librement par la place, tachée çà et là de larges mares de sang sur lesquelles les garçons de combat n’osaient pas aller secouer de la poussière, donnant des coups de corne dans les portes, et jetant en l’air les chevaux morts qu’il rencontrait sur son passage.

Fais ton fier, mon garçon, disait un aficionado du peuple en s’adressant à la bête farouche ; jouis