Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/65

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était ce jeune homme placé à côté de vous à la course des taureaux ?

— C’est la première fois que je le rencontre ; je ne le connais pas.

— Mais vous voudriez le connaître ?

— La supposition est polie. Eh bien ! quand cela serait ?

— Si cela était, je le tuerais, ce charmant garçon en bottes vernies, en gants blancs et en frac.

— Juancho, vous parlez comme un insensé : vous ai-je donné le droit d’être jaloux de moi ? Vous m’aimez, dites-vous ; est-ce ma faute, et faut-il, parce qu’il vous a pris fantaisie de me trouver jolie, que je me mette à vous adorer sur-le-champ ?

— Ça, c’est vrai, elle n’y est pas forcée, dit la vieille ; mais pourtant, à vous deux vous feriez un beau couple ! Jamais main plus fine ne se serait posée sur un bras plus vigoureux, et, si vous dansiez ensemble une cachucha au jardin de Las Delicias, ce serait à monter sur les chaises.

— Ai-je fait la coquette avec vous, Juancho ? vous ai-je attiré par des œillades, des sourires et des mines penchées ?

— Non, répondit le torero d’une voix creuse.

— Je ne vous ai jamais fait de promesses ni permis de concevoir d’espérances ; je vous ai toujours dit : « Oubliez-moi. » Pourquoi me tourmenter et m’offenser par vos violences que rien ne justifie ?