hors de service. Les taches et les trous, les fragments méconnaissables, le tesson de la borne, le clou du ruisseau trouvent là des acheteurs. C’est un singulier mélange où les haillons de tous les états ont des rencontres philosophiques : le vieil habit de cour dont on a décousu les galons coudoie la veste du paysan aux parements multicolores ; la jupe à paillettes désargentées de la danseuse est pendue à côté d’une soutane élimée et rapiécée. Des étriers de picador sont mêlés à des fleurs fausses, à des livres dépareillés, à des tableaux noirs et jaunes, à des portraits qui n’intéressent plus personne. Rabelais et Balzac vous feraient là-dessus une énumération de quatre pages.
Cependant, en remontant vers la place, il y a quelques boutiques un peu plus relevées où l’on trouve des habits qui, sans être neufs, sont encore propres et peuvent être portés par d’autres que des sujets du royaume picaresque.
Ce fut dans une de ces boutiques qu’Andrès entra.
Il y choisit un costume de manolo assez frais, et qui avait dû, dans sa primeur, procurer à son heureux possesseur bien des conquêtes dans la red San-Luis, la rue del Barquillo et la place Santa-Ana : ce costume se composait d’un chapeau à cime tronquée, à bords évasés en turban et garnis de velours, d’une veste ronde tabac d’Espagne, à petits