Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/87

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Rembrandt. La lumière jaune de la lanterne frappait ces trois figures de reflets bizarres, et formait au centre de la scène cette étoile scintillante que le peintre hollandais aime à faire briller dans ses rousses ténèbres ; mais peut-être aurait-il fallu un pinceau plus pur et plus correct que le sien pour rendre la suprême beauté de Militona, qui semblait une statue de la Douleur agenouillée près d’un tombeau.

« Il respire, dit le sereno après quelques minutes d’examen ; voyons sa blessure. » Et il écarta les habits d’Andrès toujours évanoui. « Ah ! voilà un fier coup, s’écria-t-il avec une sorte d’étonnement respectueux, porté de bas en haut, selon toutes les règles : c’est bien travaillé. Si je ne me trompe, ce doit être l’ouvrage d’une main sévillane. Je me connais en coups de couteau ; j’en ai vu tant ! Mais qu’allons-nous faire de ce jeune homme ? il n’est pas transportable, et d’ailleurs, où le porterions-nous ? Il ne peut pas nous dire son adresse.

— Montons-le chez moi, dit Militona ; puisque je suis venue la première à son secours… il m’appartient. »

Le sereno appela, en poussant le cri de ralliement, un confrère à son aide, et tous deux se mirent à gravir avec précaution le rude escalier. Militona les suivait, soutenant le corps de sa petite main, et tâchant d’épargner les secousses au pauvre blessé,