Page:Gautier - Poésies complètes, tome 2, Charpentier, 1901.djvu/32

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Il est donc vrai ! Le ciel a perdu sa puissance.
Le Christ est mort, le siècle a pour Dieu, la science,
        Pour foi, la liberté.
Adieu les doux parfums de la rose mystique ;
Adieu l’amour ; adieu la poésie antique ;
        Adieu sainte beauté !

Vos peintres auront beau, pour voir comme elle est faite,
Tourner entre leurs mains et retourner ma tête,
        Mon secret est à moi.
Ils copieront mes tons, ils copieront mes poses,
Mais il leur manquera ce que j’avais, deux choses,
        L’amour avec la foi !

Dites qui d’entre vous, fils de ce siècle infâme,
Peut rendre saintement la beauté de la femme ;
        Aucun, hélas ! aucun.
Pour vos petits boudoirs, il faut des priapées ;
Qui vous jette un regard, ô mes vierges drapées,
        O mes saintes ! Pas un.

L’aiguille a fait son tour. Votre tâche est finie,
Comme un pâle vieillard le siècle à l’agonie
        Se lamente et se tord.
L’ange du jugement embouche la trompette
Et la voix va crier : Que justice soit faite,
        Le genre humain est mort !


Je n’entendis plus rien. L’aube aux lèvres d’opale,
Tout endormie encor, sur le vitrage pâle
        Jetait un froid rayon,
Et je vis s’envoler, comme on voit quelque orfraie,
Que sous l’arceau gothique une lueur effraye,
        L’étrange vision !