Page:Gautier - Poésies complètes, tome 2, Charpentier, 1901.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le seul qui devina cette énigme funeste
Tua Laïus son père et commit un inceste :
        Triste prix du vainqueur !



IX


 
Me voilà revenu de ce voyage sombre,
Où l’on n’a pour flambeaux et pour astre dans l’ombre
        Que les yeux du hibou ;
Comme après tout un jour de labourage, un buffle
S’en retourne à pas lents, morne et baissant le muffle,
        Je vais ployant le cou.

Me voilà revenu du pays des fantômes ;
Mais je conserve encor loin des muets royaumes,
        Le teint pâle des morts.
Mon vêtement pareil au crêpe funéraire
Sur une urne jeté, de mon dos jusqu’à terre,
        Pend au long de mon corps.

Je sors d’entre les mains d’une mort plus avare
Que celle qui veillait au tombeau de Lazare ;
        Elle garde son bien :
Elle lâche le corps mais elle retient l’âme ;
Elle rend le flambeau, mais elle éteint la flamme,
        Et Christ n’y pourrait rien.

Je ne suis plus, hélas ! que l’ombre de moi-même,
Que la tombe vivante où gît tout ce que j’aime,
        Et je me survis seul,